Phase VI – MES CATASTROPHES DE 1994
Chap. 2 : 6 AVRIL 1994, LA TRAGEDIE DU RWANDA
Pages 103 à 105 : Première partie

Avec 7 ans de présence sur le sol du Rwanda, de 1987 à 1994,  pour des raisons d’études universitaires d’une double formation (Théologie et Gestion) dans la même Université, ce pays était désormais comme ma seconde patrie. J’ai été présent à la graduation de la première promotion en 1988 et à la graduation avortée de la dernière promotion de 1994, année de la fermeture de ce campus suite à la tragédie qu’a connu ce pays….

Durant toutes ces années, j’avais eu à cohabiter pacifiquement en toute sécurité avec les trois composantes des ethnies de ce pays : Hutu, Tutsi et Twa. D’ailleurs, il n’y avait aucun signe qu’un jour une tragédie surviendra au point de mener à une catastrophe en perte de vie humaine. J’avais assisté à de multiples invitations des festivités auprès de chacune d’elles et je m’y plaisais. J’avais acquis la notion de partage et d’amour pour autrui. Malgré ce qui m’était arrivé par le décès inattendu de mon père, j’avais reçu le soutien de tous mes amis quel que soit leur ethnie rwandaise et des autres ressortissants d’autres pays qui résidaient avec moi tels que la RDC, le Burundi, le Madagascar, les Seychelles, l’Ile Maurice, la Bulgarie, la France, la Belgique, les Amériques, le Kenya, l’Ouganda, et bien sur l’Afrique de l’Ouest et du Centre…

Puis vint la fameuse date du 6 Avril 1994 où tout avait brusquement basculé. Je ne prendrai pas la peine d’étaler le déroulement de ces évènements sur notre campus pour faire des critiques pour ou contre un groupe ethnique, mais je vais me concentrer sur l’objectif de cet ouvrage….

Cette brusque situation était arrivé alors que ma fiancée, Marie Jo, ne se trouvait plus sur le campus. Pour rappel, elle avait commencé sa maîtrise à l’Université de Nyakinama, à Ruhengeri, très proche de notre campus de Mudende. J’ignorais donc si elle s’y trouvait ou si elle était à Kigali dans sa famille. Puisque dans une telle situation, le contact téléphonique n’était plus possible. A l’époque, il n’y avait pas de téléphone portable. J’ignorais donc où elle pouvait se trouver. Et dans cette urgence, il fallait faire évacuer tous les étrangers à partir de la ville de Goma, en RDC….

Et comme il fallait s’y attendre au lendemain, parce que le temps pressait, tous les ressortissants européens, américains et africains de l’ouest devaient quitter immédiatement le campus pour raison de sécurité et de vie. Il nous avait été dit de ne prendre que l’essentiel des effets et surtout les documents de voyage. En d’autres termes, il fallait tout abandonner et quitter immédiatement le pays…

J’avais beaucoup de choses dans le placard et tiroirs en plus de mes effets académiques : mes beaux habits fraichement ramenés de la Suède et du Danemark, mon chéquier, mes photos,  …. Que devrais-je prendre et que devrais-je laisser ? Et d’ailleurs, comment je pouvais rentrer dans mon pays, le Gabon, sans ma fiancée ? J’avais tout de même rassemblé quelques effets dans un petit sac prit à la va-vite et les documents de voyage, les documents de base académique dont mes notes, ….

J’étas là debout, sans vouloir monter dans le bus. Puis mes amis m’appelaient pour partir sinon le convoi devrait me laisser. Je refusais de monter car j’étais en larmes en disant à qui voulait l’entendre, même en présence de mes anciennes amies, que je ne pouvais partir dans mon pays sans Marie Jo à mes cotés. Où est ma Marie Jo? M’exclamais-je. Le bus amorçant alors le départ, malgré les douleurs et la fissure de mon cœur, j’étais donc obligé de courrir pour monter en toutes larmes. Puis le convoi conduisant le Fils du Mvett s’était engagé en direction de la ville frontalière de Goma…

(A suivre)