Il me rappela d’écrire au moment venu, tout ce que lui et mon père m’avaient dit, puis des expériences vécus sur la connaissance du Mvett, ses secrets et ses bienfaits pour le peuple Fang, le peuple Ekang et même des peuples d’Afrique. Je souriais au fond de moi et je le prenais pour un simple vieillard abattu et fatigué suite aux décès de ses deux frères. Je ne m’intéressais pas de ce qu’il disait sur mon futur par rapport au Mvett.

D’ailleurs, j’avais raison de penser ainsi. Que peut faire un enfant maudit, un simple comptable vivant dans un petit Gabon pour faire intéresser le Son du Mvett à l’international? Autour de tout le monde pour ce décès, nous avions fait la rencontre de ma belle-mère, ses enfants, et le reste de la famille. Malgré les douleurs, c’était merveilleux de nous retrouver. Nous n’exprimions aucune haine contre eux bien qu’ils étaient toujours gênés de nous regarder en face. Pourtant nous les aimions. Puis à la fin des funérailles, nous étions retournés à Yaoundé, au Cameroun.

Près de 7 mois plus tard, la pire des mauvaises nouvelles me fut parvenir de nouveau. Tsira Ndong Ndoutoume, Maître du Mvett venait de s’éteindre à son tour. Son décès était la pire catastrophe qui ne devait pas m’arriver à ce moment-là. Parce que nous devrions nous rencontrer de nouveau pour une séance plus secrète à ma prochaine descente à Oyem.

Mais bon Dieu, pourquoi ces trois personnages devaient s’éteindre alors que je me trouvais à l’étranger et aucun de nos derniers rendez-vous, pour conclure une séquence importante, n’avait pu se tenir? Son décès était comme si mon père mourrait une deuxième fois. L’homme Immortel s’en était donc allé avec ses secrets sur le Mvett. Or, Tsira Ndong m’avait presque tout dit, il avait transféré le savoir, le Fils du Mvett avait été informé et avait reçu la mission de publier ce qu’il connaissait. Mais pour le Fils du Mvett, il y avait d’autres priorités. Il avait donc préféré garder ces secrets pour lui et attendre un jour propice.

Sachant ce qu’il représentait pour moi et mon épouse, nous nous étions rendus précipitamment à Oyem pour le revoir. Je ne voulais plus rater cette opportunité de le revoir avant son enterrement comme c’était le cas pour mon père. Avec le départ d’Assoumou en 1994, d’Eno Belinga en 2004 et maintenant de Tsira, en 2005, était-ce la fin de la transmission de cette culture africaine au monde ? Qui prendra cette relève ? Pensais-je au fond de moi. Mais je ne trouvais pas de réponse.

Toutefois, une silhouette vint dans mon esprit en pensant au professeur Grégoire Biyogo. Mais là aussi, je n’avais aucun contact avec lui, puisque nous n’avions pas eu suffisamment de rencontres pour savoir si l’un d’eux lui aurait dit quelque chose au sujet du Mvett. Je ne savais même pas où il vivait ni où il résidait. J’avais donc opté ne pas perdre mon temps dans ces réflexions inutiles. Je me contentais plutôt des propos de Tsira : le Mvett sera connu hors de l’Afrique Centrale et atteindra l’Afrique pour réveiller l’esprit de développement.

Dans tous les cas, en dehors des confidences que je possédais d’eux, j’hésitais de mettre sur écrit non seulement je n’avais pas les moyens matériels de le faire, mais personne ne pouvait croire puisqu’il y avait certaines personnes dans la famille qui disaient posséder des atouts pour le faire. Or je n’étais pas disponible pour faire des luttes de privilèges. D’ailleurs, personne ne pouvait me donner du crédit si je faisais de déclaration puisque j’étais arrivé dans cette grande famille du Mvett seulement en 1990, comme le dernier de leurs enfants à y faire son entrée.
(A suivre)